Denys Arcand - the first trilogy

You probably know Denys Arcand, and you probably know his trilogy:

Le déclin de l'empire américain 86

Jésus de Montréal 89
Les invaisions barbares 03

but only in two cases you may have seen his first trilogy.

La maudite galette 72

Réjeane Padovani 73
Gina 75

That is:
1. You are more than fifty years old and you lived in Quebec.
2. You are a film scholar and you study Quebec film intensively.

But even if you haven't seen these three films, you can always appreciate what he had to say here --- Arcand is really a man who understands and cares a lot about his society.
The following is from a dossier that accompanies the films. The reason I put it here is because it is kind of rare, or at least, unaware of by many. Naturally, the author keeps his right (I hope he wouldn't mind).

La Maudite Galette - dès documentaire au domaine de la fiction

En abordant la fiction, est-ce que tu as pensé à y amener des préoccupations politiques? Est-ce que le choix d’une forme précise voudra rendre compte de ces préoccupation politiques?

Mes préoccupations politiques m’ont mené dans un tel cul-de-sac idéologique que je n’ai plus maintenant de position politique rationnelle. Je suis perdu. Le film lui-même n’a donc absolument rien à voir avec une intention politique précise. C’est un film de gangster. Paradoxalement, certaines personnes qui ont vu la copie de montage, me disent qu’à un autre degré, le film véhicule des attitudes politiques très évidentes. C’est bien possible, après tout je n’ai pas fait ce film en reniant les autres films que j’avais faits avant.

Tu dis que ce film décrit l’écume de la société. D’où vient le choix du sujet?

Je me sens de plus en plus en marge de la société. Je suis en train de développer un esprit criminel et négatif. Et comme tel, je me sens de plus en plus en sympathie avec les bandits, la petite pègre, et tous les autres marginaux. Nous sommes loin de la technocratie! Je n’ai plus d’idées sur rien, sauf des images de cauchemar. Je ne suis pas encore assez spiritualiste pour devenir Zen et m’en aller tresser des paniers à Majorque, mais ça viendra. Déjà, je cultive un jardin et j’ai un verger.

Tenant compte de l’utilité particulière des films, de l’impact de certains films, est-ce que le mode d’écriture et la structure du film ne doivent pas fournir aussi au spectateur les outils permettant de comprendre non seulement l’histoire apparente, mais aussi les intentions les plus profondes que le cinéaste y veut mettre?

C’est un problème bien compliqué, parce qu’il met en cause la qualité de l’objet cinématographique lui-même. Dans un film réussi, les outils de compréhension sont inclus, mais ils sont à l’intérieur même du propos du film. Dans un film raté, les outil de compréhension peuvent aussi être inclus, mais leur inclusion est extérieure au propos du film, et cela donne un film ‘à message’, ce qui est toujours exécrable. Dans un autre type de film raté, les outils de compréhension peuvent également inclus dans le propos, mais d’une façon tellement confuse et irrationnelle que seuls les initiés peuvent arriver à saisir la dimension du projet. D’autre part, il peut arriver qu’un cinéaste soit incapable d’inclure dans son propos des outils de compréhension, parce qu’il appréhende une réalité seulement au niveau de l’intuition et qu’il est incapable, de lui-même, de rationaliser cette intuition. Ce n’est pas une raison pour s’enfermer dans le silence, car il y a des intuitions qui sont très fécondes. Il faut alors laisser à d’autres le soin d’effectuer les rationalisations nécessaires.
D’autre part, il faut tenir compte toujours du contexte historique et social d’un film et de la situation particulière de ses auteurs. Il est possible qu’actuellement au Québec, il soit plus utile de faire un film comme On est au coton plutôt que La maudite galette mais personnellement, je n’ai pas le choix.
Les conditions objectives de production m’obligent à faire La Maudite galette ou à ne rien faire, sinon des films commerciaux ou des films commandités. Il faut dire aussi que ça a été très plaisant de faire ce film. Ce n’est pas toujours rose de se lever le matin pendant quatre ans pour aller filmer le président de la Dominion Texile, Jean Jacques Bertrand, Bourassa, de plonger tous les jours dans un nid de vipères. Ça fatigue son homme. Tourner avec des comédiens dans des endroits choisis d’avance, entouré d’amis, c’est un vrai pique-nique. Remarquez que c’est peut-être le bonheur des lâches que j’éprouvais. C’était peut-être aussi la satisfaction du poisson dans l’eau.

Quelle est l’importance du travail d’équipe? Comment l’expliques-tu? Quels sont les effets? Tu es très peu réalisateur?

J’ai toujours pensé que la notion d’auteur de film telle que mise à la mode par les Cahiers du Cinéma était une notion petite-bourgeoise. Lors de la révolution culturelle d’ailleurs, le personnel de l’Opéra de Pékin a forcé les metteurs-en-scène à des autocritiques sévères et, je crois, justifiées.
Tout le monde qui travaille sur un film est l’auteur de ce film. Quand on dit qu’un réalisateur doit être près du peuple, c’est une abstraction. Le peuple dont il doit se rapprocher, c’est d’abord le ‘peuple cinématographique’ qui travaille dans le cinéma avec lui. Le peuple en général viendra par surcroît. Sans compter que les gens qui travaillent sur un film sont souvent plus intelligents, plus sensibles, plus expérimentés que le metteur-en-scène petit-bourgeois qui veut faire ‘son’ film. Personnellement, dans toutes les équipes avec lesquelles j’ai travaillé, les meilleures idées étaient rarement de moi. Le rôle du réalisateur devrait se limiter à consulter tous les travailleurs de l’équipe, tous sans exception, à réunir une sorte de consensus, et ensuite à tenter d’aider tout le monde, autant qu’il peut, à traduire dans le film cette volonté populaire. C’est la façon dont je vois les choses. Et touts les gens avec qui j’ai travaillé m’ont toujours semblé partager cette façon de voir, et tous les films auxquels j’ai collaboré ont toujours été, sur ce plan, très facile à faire. Il faut dire que j’aime beaucoup les gens qui travaillent dans le cinéma québécois. Je trouve que ce sont des gens très bien.

Que fais-tu maintenant?

J’étudie la décadence et la chute de l’Empire Romain. C’est une période de l’histoire qui semble bien près de la nôtre. Avez-vous déjà pensé au sort du peuple sous Caligula? Je vois là des ressemblances frappantes avec notre situation actuelle. Si l’occasion m’en est donnée, ce qui est loin d’être sûr, je voudrais faire bientôt un film, dans le style de Suétone, sur la corruption inouïe, la bêtise et la dépravation de ceux qui nous dominent.

Réjeanne Padovani - une réflexion sur l’état actuel de la civilisation


Quand j’ai commencé mon métier de cinéaste, c’était la grande vogue du cinéma direct. Et le direct, qui a ses limites, poussé à bout, conduit à des conclusions politiques : si vous êtes dans la rue, avec des gens, vous ne pouvez pas éviter de poser des problèmes politiques. Mon premier film débouchait sur une accusation virulente de l’industrie du textile et de son exploitation au Québec. Le deuxième prenait pour thème les élections au Québec en 1970. Les deux ont gêné l’Office national du film, une boîte aux facilités techniques énormes, administrée par des fonctionnaires. L’Office a préféré ne pas sortir mon premier film – ce qui a provoqué, comme on dit, une « affaire ». Il y a eu une sorte de mini-répression, douce bien sûr, puisque nous sommes dans un pays anglo-saxon.

Je me suis retrouvé alors dans un cul-de-sac. Tout ce qu’on me permettait pratiquement de faire, c’étaient des films sur le sports. Alors, je me suis tourné vers l’industrie privée et j’ai réalisé La Maudite galette et Réjeanne Padovani.
Réjeanne Padovani, c’est un film sur un financier tout-puissant de la région de Montréal et sur son entourage : un ministre, des politiciens, de « jeune loups » qui se ménagent l’avenir et des hommes chargés à la fois de faire le coup de main, de pratiquer le chantage et de tuer; c’est l’histoire d’un homme criminel mais bon père de famille, un de ces types qui se réclament de la loi et de l’ordre et qui, lancés dans le système capitaliste, s’en tirent avec les moyens du bord- leur seule éthique se résume en une phrase : la force ne perd jamais. Réjeanne Padovani repose sur la réalité du Québec. Sur la réalité tout court puisqu’on retrouve, à quelques variantes près, les mêmes données dans la plupart des pays qu’on appelle « avancés ». Et, dans la vie, les choses sont peut-être encore plus outrées. Le personnage qui m’a servi un peu de modèle a chez lui une table de quatorze couverts et une place toujours disponible : celle de l’immigrant, du Sicilien qui descend à Montréal et à qui on dit : « Va chez X.» Arrivé là, on s’occupe de lui, on lui procure du travail. Ça crée une filiation. Plus tard, on peut lui demander des services.

Réjeanne Padovani est une sorte de réflexion sur l’état actuel de la civilisation au détour d’une histoire de gangsters- car je suis personnellement convaincu que les pays occidentaux sont en décadence, en voie de désintégration. C’est un film sur la vénalité et sur le terrorisme, sur la violence quotidienne et sur la tragédie qui survient brusquement et disparaît aussitôt sans laisser de trace.
Ce n’est pas une démonstration politique. Je me contente de regarder, d’observer, de constater. Je suis beaucoup trop perplexe sur la conduite à suivre pour en dicter une à quiconque.

Attention! Le personnage que j’ai fait jouer à René Caron, ce n’est pas vraiment le maire Drapeau. Bien sûr, il y a des côtés- amateur d’opéra, etc.- qui le rapprochent de Drapeau, mais je n’aurais pas voulu une caricature ou un pastiche de Drapeau parce que j’ai l’impression que cela aurait limité la portée du film. Les gens se tiennent à ça et oublient le reste.

Et puis, ce qui serait plus grave, c’est que ça porterait les gens à personnaliser la politique, ce qui est très mauvais. C’est un peu un défaut, ici, au Québec : on personnalise toujours. On pense qu’il suffit de se débarrasser de quelqu’un pour que la situation change. C’était ça un peu le drame de Duplessis, et mon film sur Duplessis était fait en grande partie pour illustrer ce phénomène. Pendant des années, les gens n’ont fait que souhaiter la disparition de Duplessis : quand il sera parti on sera enfin libres, disaient-ils. Mais quand Lesage est venu, il n’y a pas eu beaucoup de différence. C’est pour cela que je ne voulais pas non plus personnaliser Drapeau très précisément, en faire une caricature, parce que le prochain maire de Montréal ne sera pas forcément mieux que le maire Drapeau.

Le fond de l’affaire, c’est que je ne voulais pas tellement faire passer telle information précise, telle chose en particulier. Je voulais surtout que ce soit un film dont on sorte avec l’impression qu’on est gouverné par des fous; par des fous méchants qui sont manipulés par des profiteurs de tout ordre. C’est plus une sorte de sentiment vague, d’impression que je voulais créer au lieu de tenter de faire passer une information précise, comme celle de dire tel monsieur fait tel genre de choses. C’est un certain climat que je voulais faire passer, et c’est là-dessus que j’ai travaillé. Je voulais faire comprendre que la police et la pègre, c’est finalement la même chose; qu’il n’y a pas tellement de différence entre les deux, que leurs liens sont très étroits.

Je pense que c’était là une dimension importante qu’il fallait que je transmette aux spectateurs : on est gouverné par des fous; et i faut le savoir. C’est très important; c’est essentiel. Je sais que cela pourra paraître un peu forcé, mais j’estime pour ma part avoir fait preuve d’une très grande retenue dans la peinture de ces gens.


Gina- le vide et le plein


Depuis un certain temps, je me refuse à réfléchir. Je me refuse même à lire des livres théoriques : c’est un processus d’abêtissement. Je me sens dans une période de création d’histoire, et je ne veux pas en sortir.
Je me laisse envahir de plus en plus par des choses irrationnelles : si je les énonce(sous forme d’idées), je les tue.

Tout ce que je savais avant d’écrire Gina, c’est que, du temps où je tournais des documentaires à l’extérieur de Montréal, mon équipe et moi étions toujours seuls dans l’hôtel, avec la danseuse. Les hôtels de province ne servent presque plus qu’à accueillir des marginaux durant la semaine, puis les gens ordinaires en fin de semaine. Cette image me frappait : des cinéastes, seuls dans un hôtel, avec une danseuse. Quand nous avons tourné « On est au coton », la danseuse s’appelait Brigitte. Il ne lui est pas arrivé ce qui arrive à Gina (ça je l’ai pris de deux faits divers authentiques, qui sont d’ailleurs encore devant les tribunaux québécois), mais presque toutes les autres scènes nous sont arrivées telles quelles. Très souvent, dans ces hôtels-là, la salle de billards est vide toute la journée, et la danseuse joue seule. Elle devient experte. Un de mes assistants pour « on est au coton » était un « pool shark », et nous avons déjà battu deux joueurs de la place, à Saint-Georges.

On se disait « il faudrait faire un film sur tout ça », ça nous trottait dans la tête. Après Padovani, j’ai dit : « ça y est, on y va. » Mais je ne peux pas faire- comme Jacques Leduc- un film qui soit totalement fidèle à cette réalité banale, un film où il ne se passerait vraiment rien. Ça ne me satisfait pas. Il faut que j’y mette de la fiction. Alors j’ai fiat mes recherches sur les faits divers, et j’ai bâti de personnage de Gina.

Il est possible que ça n’aille pas vraiment avec ma méthode, ou que ça soit contradictoire. Mais je suis contradictoire : j’aime des choses différentes, j’aime Jean-Luc Godard et The French Connection. J’aime que le bon punisse le méchant à la fin, même si ce n’est plus du tout réaliste. Disons que Gina est un film aussi écartillé que moi...

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